De beaux lendemains by De beaux lendemains

De beaux lendemains by De beaux lendemains

Auteur:De beaux lendemains [lendemains, De beaux]
La langue: fra
Format: epub
Tags: De beaux lendemains
Publié: 2014-03-11T20:00:44+00:00


NICOLE BURNELL

Le cerveau est miséricordieux, m’a dit le docteur Robeson en me touchant le front du bout tendre et frais de ses doigts roses ; puisque je ne pouvais pas bouger pour les éviter, je lui ai lancé un regard furibond.

J’ai de la chance, c’est ce qu’ils disent tous, parce que je ne me souviens pas de l’accident. De la chance qu’il y ait comme une porte entre deux chambres, une de l’autre côté – et cette chambre-là je m’en souviens bien – et une de ce côté-ci, dont je me souviens aussi, j’y suis encore. Mais je n’ai aucun souvenir du passage de l’une à l’autre, je ne me rappelle pas l’accident, et ça tout le monde considère que c’est de la chance.

N’essaie même pas de te rappeler, m’a dit papa ; il s’est levé de son siège devant la fenêtre et a regardé le parking de l’hôpital. Je crois qu’il neigeait dehors. Il devait se tracasser à l’idée du retour en voiture.

Maman était assise dans un fauteuil près du lit, en train de me tapoter le dos de la main sans me regarder ; elle a dit : Pense seulement à guérir, Nicole, c’est tout.

Je savais déjà que j’étais aussi guérie que je le serais jamais, et le docteur Robeson m’avait dit que rien que pour rester comme ça je devrais travailler dur. Alors ferme-la, m’man, va au diable. Pour mener une vie de limace, je vais devoir travailler comme quelqu’un qui s’entraîne au saut à ski olympique. Pour me nourrir, aller au petit coin, prendre un bain, entrer et sortir de mon lit, mettre et enlever mes vêtements, changer de chaîne à la télé ou faire mes devoirs – pour réussir tout ça aussi bien qu’un môme de trois ans, je devrai m’exercer pendant des années, toute ma vie sans doute, dans une chambre au sol et aux murs capitonnés afin d’empêcher que mes os ne se brisent si je tombe des barres parallèles ou d’une de ces nouvelles machines étincelantes.

En tout cas, c’est ça la chambre où je me suis réveillée après l’accident : une chambre d’hôpital, une chambre avec une maman en larmes et un papa embarrassé et distrait, une chambre avec un kinésithérapeute qui vous crie dessus pour votre bien et un autre type censé vous masser, mais je ne voulais pas, alors finalement ils ont fait venir une femme. Chaque chambre donnait dans la suivante, mais elles étaient toutes pareilles. Même quand je suis enfin rentrée à la maison, dans ma chambre à moi.

Papa conduisait, j’étais assise devant à côté de lui et maman derrière, avec mon fauteuil roulant tout neuf plié à côté d’elle. C’était déjà le printemps, la fin avril, il ne restait plus que des plaques de neige dans les bois et sur les montagnes et quelques vieux tas couverts de poussière sur le bord des routes et des parkings. Pas encore de feuilles sur les arbres, mais on apercevait par endroits une lueur vert clair ou un reflet rougeâtre au bout des branches où grossissaient les bourgeons.



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